Penser la guerre, Clausewitz


 (Tome 1-L'âge européen)
«J'ai lu De la guerre pour la première fois il y a une vingtaine d'années, puis je l'ai cité comme tout le monde. En 1971-1972, j’étudiais l’ensemble des écrits militaires, politiques, personnels de Clausewitz et crus constater que la pensée du plus célèbre des stratèges restait à découvrir et à comprendre», écrit Raymond Aron en 1976. La pensée de Carl von Clausewitz retrouve ici sa dimension essentielle : être une théorie en devenir, qui jamais ne trouva sa forme définitive, puisque le général prussien, né en 1780, mourut en 1831, victime du choléra. Dans ce premier tome, Raymond Aron reconstruit, avec la rigueur qu’on lui connaît, le système intellectuel de celui qui voulut mettre à jour l’esprit, c’est-à-dire la nature et l’essence, de la guerre, «véritable caméléon». Formation du système, tendances divergentes, synthèse finale, équivoque irréductible, rapport à Montesquieu, à Kant ou à Hegel - sur tous ces sujets Aron formule ses analyses qu’il confronte aux jugements des critiques allemands.

Ce tome deuxième prend l’exacte mesure de la place de Clausewitz dans le monde d'aujourd’hui. Les grandes écoles d’état-major l’enseignent, Moltke comme Foch, Lénine comme Mao Zedong l’ont lu, étudié ou appliqué. Qui d’entre tous s’y montre le plus fidèle ? Clausewitz peut-il lui-même être tenu pour responsable des massacres militaires et civils de la Première Guerre mondiale ou bien pour le plus farouche procureur contre la guerre d’anéantissement menée par Hitler ? Grâce à son échec dans l’action, Clausewitz, tel Machiavel, a trouvé le loisir et la résolution d’achever au niveau de la conscience claire la théorie d’un art qu’il a imparfaitement pratiqué. Son héritage consiste en deux idées maîtresses : le principe d'anéantissement et la suprématie de l'intelligence politique sur l'instrument militaire. L'arme nucléaire confirme la deuxième et modifie le sens de la première.