Raymond Aron, 40 ans après sa mort: un maître pour comprendre les défis d’aujourd’hui - Par Guillaume Perrault

GRAND RÉCIT- Le 17 octobre 1983 mourait le célèbre penseur français, défenseur de la démocratie libérale face à la menace des totalitarismes. Malgré les bouleversements du monde, sa vie, son œuvre et son exemple n'ont rien perdu de leur force.


Raymond Aron est né en 1905 dans une famille juive de la bourgeoisie parisienne et versaillaise. La branche paternelle a des racines lorraines, gage, à l’époque, de patriotisme ardent. Son grand-père avait fondé un commerce de textile en gros dans un village des Vosges. Le grand-père maternel possédait une petite usine de textile dans le Nord. Le père du penseur nourrissait lui-même des ambitions intellectuelles et choisit de ne pas entrer dans l'affaire familiale. Il entreprend des études brillantes, manque l'agrégation de droit et se contente de postes d'enseignants très honorables, mais inférieurs à ses ambitions. Gustave Aron cesse ensuite de travailler mais le Krach de 1929 le ruine bientôt: l'imprudent avait placé en bourse une part excessive du patrimoine familial, en partie issu de la dot de sa femme.

On mesure la force de la figure paternelle, alors, à cette confidence de Aron dans ses Mémoires : « Il demeurait le père et je ne lui posais guère de questions ». Se sentant coupable et humilié, Gustave Aron reprend son métier de professeur mais meurt dès 1935, à 65 ans. Son fils aimant se sentira toujours lié par un testament moral lui enjoignant d'accomplir des ambitions intellectuelles que son père n'avait pu satisfaire. Et ainsi le venger.

L'enfant a neuf ans quand éclate le premier conflit mondial et treize lors de l'Armistice. Ses parents l'emmènent, dans les rues de Paris, partager la joie exaltée de la foule. L'adolescent grandit en ces années d'après-guerre où la France, à la fois victorieuse, épuisée et traumatisée, s'inquiète de la réalité de sa prépondérance dans l'Europe nouvelle. Après son lycée à Versailles, le jeune homme entre en hypokhâgne à Condorcet en octobre 1922 (Aron gardera l'habitude d'appeler khâgne ses deux années de préparation à la rue d'Ulm, sans les distinguer, car, à Condorcet, les deux publics formaient une classe unique). « Le style gardait des traces de l'époque napoléonienne, écrira-t-il au soir de sa vie. Je me souviens d'un professeur d'allemand qui, un jour, donna une bonne note globalement à toute la classe parce que tous les élèves s'étaient comportés de manière impeccable au moment de son entrée – bras croisés sur le pupitre ».

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