Raymond Aron : le souhaitable et le possible (6) - Par Pierre Robert


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Entre raison et passion la lutte continue

Après la publication du Spectateur Engagé, Michel Contat, un proche de Sartre a estimé dans un article du quotidien Le Monde que le dialogue entre Sartre et Aron n’a jamais cessé :

« Ces deux pensées antagonistes malgré leur communauté de culture (la phénoménologie, le marxisme) sont les deux pôles entre lesquels se tend jusqu’au déchirement le débat intellectuel du siècle […] C’est dans nos têtes que […] s’affrontent les deux voix fraternellement ennemies, nos deux voix : celle qui énonçant le souhaitable, le désirable pose un projet indéfini et celle qui, lui opposant raisonnablement le possible, la réalité têtue, met en garde… »


Au partisan enflammé et partial que fut Sartre s’oppose l’analyste dépassionné mais qui prend aussi position que fut Aron. Comme beaucoup d’autres aujourd’hui, je suis convaincu qu’il vaut mieux avoir raison à la manière d’Aron que tort à la manière de Sartre.

Réfléchir avec Aron c’est en effet réfléchir sur l’essentiel, sur ce qui est au fondement des attitudes politiques et des systèmes de pensée qui influencent les actions des hommes, sachant que parmi ces systèmes certains sont mortifères et ont fait la preuve des terribles dangers dont ils sont porteurs, alors que d’autres sont stériles et paralysent l’action. C’est ce deuxième danger qui aujourd’hui menace l’Europe lorsqu’elle prend des décisions dangereuses qui semblent conformes à ses valeurs mais sont contraires à ses intérêts de long terme.

Alors que partout dans le monde s’exacerbent les tensions géopolitiques, il pourrait bien se révéler fructueux de s’inspirer de la posture d’Aron pour analyser plus froidement les implications de la guerre en Ukraine.